La Cour de cassation a récemment jugé que dans le cadre d’une cession d’entreprise telle qu’une agence d’archi, la présence au contrat d’une garantie quant à la valeur d’actif de la structure n’empêche pas l’acquéreur d’agir en nullité de l’acte s’il estime avoir été trompé sur un tel montant.

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L’arrêt de la Cour de cassation a été rendu le 3 février dernier. En cause : une cession de titres de SARL accompagnée d’une clause de garantie d’actif attestant que la société vendue présente un certain montant de capitaux propres.

i BON À SAVOIR :

En aparté : la notion de garantie d’actif et de passif (qu’est-ce donc que cette bizarrerie ?)

La vente d’une agence d’architecture passe par la conclusion d’un protocole d’accord qui comporte dans l’immense majorité des cas, une clause de garantie d’actif et de passif.

Cette stipulation permet d’assurer la valeur de l’entreprise cédée et plus précisément, la véracité des informations comptables qui déterminent cette valeur : s’il s’avère après la vente de l’agence que son actif est moins important que prévu, ou son passif plus conséquent, l’acquéreur pourra actionner la clause et exiger du vendeur une indemnisation à hauteur de la différence de valeur.

Revenons à notre affaire ! Postérieurement à la vente de la SARL, l’acquéreur prend connaissance d’une chute des capitaux propres ayant eu lieu juste avant la cession et non révélée par les vendeurs. L’acheteur s’estime logiquement floué et demande en justice l’annulation du contrat pour dol.

 

i BON À SAVOIR :

Qu’est-ce qu’une action en nullité pour dol ?

Ce recours est ouvert pour tout contrat, de l’achat de votre nouvelle cafetière à la transmission
d’une agence d’archi.

Dol est synonyme de tromperie… Tout accord obtenu par la duperie encourt l’annulation par le juge. Le dol étant par ailleurs une faute civile, la victime pourra obtenir des dommages-intérêts.

La cour d’appel rejette la demande de l’acquéreur au motif que l’existence de la clause de garantie d’actif prive de pertinence le recours en nullité pour dol : pourquoi faire valoir une tromperie sur la valeur de l’entreprise vendue alors que cette même valeur fait de toute façon l’objet d’une garantie contractuelle ?

Cette solution ne manque pas d’une certaine logique. Néanmoins, la Cour de cassation va retenir (opportunément selon nous) une position différente :

« les garanties contractuelles relatives à la consistance de l’actif ou du passif social (…) ne privent pas l’acquéreur (…) qui soutient que son consentement a été vicié, du droit de demander l’annulation de l’acte ».

Autrement dit, l’action en nullité s’ajoute à la garantie d’actif et n’est pas « vampirisée » par cette dernière. Il faut sans doute s’en réjouir pour deux raisons.

Du point de vue de la théorie du droit, on comprendrait mal qu’une simple stipulation contractuelle puisse neutraliser l’exigence d’un consentement éclairé, exigence non seulement légale mais plus encore, tout à fait fondamentale en droit des contrats.

Et sous un angle pratique, qui concerne plus directement votre intérêt d’architecte candidat éventuel à la reprise d’une agence, cette solution de la Cour de cassation vous ouvre droit à deux leviers d’action qui ne produisent pas exactement les mêmes effets (par où ils échappent en réalité au « grief » de redondance soulevé par la cour d’appel) :

  • la clause de garantie d’actif, qui donne lieu uniquement à indemnisation dans une
    certaine limite ;
  • et le recours pour dol, qui permet d’obtenir en plus de dommages-intérêts, l’annulation
    du contrat et ainsi la restitution du prix de vente de l’agence d’architecture.