Le BIM (Building Information Modeling) fait largement parler de lui dans le milieu de l’architecture et du bâtiment. Une notion complexe, très discutée au plan technique et politique… Alors, simple gadget ou véritable avenir de l’architecture ?

Arnaud DESIREE, architecte DPLG fondateur de l’agence Monokrom et BIM Manager pour différentes agences d’architecture, a accepté de répondre à nos questions.

Arnaud DESIREE - Architecte DPLG - BIM Manager

Comment le BIM est-il apparu dans le secteur de l’architecture ?

Le BIM est concomitant de la révolution numérique qui investit tous les domaines, notamment celui de l’architecture et du bâtiment.

Initialement, les architectes dessinaient à la main puis sur AutoCAD. Le BIM propose aujourd’hui de franchir une nouvelle étape, celle de la modélisation 3D accompagnée d’un dispositif de gestion et de partage des données.

Le BIM, sous la forme que je pratique, est apparu il y a dix ans. Il s’inspire de l’industrie mécanique (pour la conception 3D des pièces de précision avec une base de données, notamment dans le secteur de l’automobile ou de l’aéronautique). L’évolution des logiciels ARCHICAD et REVIT depuis les années 2000 et la puissance du matériel informatique ont bouleversé les habitudes et les méthodes de travail dans le secteur du BTP. Les architectes ont toujours su s’entourer d’outils et de méthodes de travail innovants pour la conception architecturale. Le BIM, par son travail collaboratif autour d’une maquette numérique, contribue à ce processus d’innovation.

Qu’est-ce que le BIM selon vous ?

BIM signifie Building Information Modeling ou Management qui fait référence à la gestion du projet. Building renvoie à l’idée de construction. Mais il faut surtout retenir deux notions : celle d’information puisque le BIM propose un système de gestion des nombreuses données afférentes à tout projet d’architecture (le poids de tel mur, le type d’isolant utilisé, etc.) et celle de modélisation en trois dimensions.

Le plus important dans le BIM est l’aspect collaboratif : les données sont transmises à tous les acteurs de la chaîne de construction à travers la maquette numérique via une plateforme collaborative type serveur ou cloud : l’architecte (conception et modélisation du projet), le bureau d’études (réseaux, structure modélisée et simulation thermique), les équipes de chantier (estimation et organisation de chantier), le maître de l’ouvrage (pour la gestion du patrimoine et la maintenance de l’immeuble après réception par exemple), le géomètre (scan 3D, nuage de points), l’urbaniste (plan guide BIM, réseaux urbains), l’économiste (estimatif, base de données)…

Au lieu que chacun travaille de son côté, le BIM permet aux différents acteurs de travailler ensemble en temps réel sur un fichier unique qui sera composé de plusieurs maquettes numériques. En cela, le BIM rapproche les intervenants à l’image des grandes agences anglo-saxonnes pluridisciplinaires. Les professionnels travaillent ensemble, cela favorise la communication et le partage des connaissances : chacun contribue à la construction de la maquette finale pour un projet commun.
Le BIM permet de construire le bâtiment en virtuel avant sa construction effective avec toutes les données techniques requises et immédiatement transmissibles aux différents acteurs de la construction.

Quel est le rôle du BIM Manager ?

Le BIM est une révolution mais il faut savoir le piloter : les professionnels doivent apprendre à communiquer en temps réel. Par exemple, si l’architecte déplace un mur en phase de conception, le bureau d’études ne doit pas réagir immédiatement et refaire les calculs, car conception oblige : l’architecte aura maintes fois encore l’occasion de changer d’avis !

A cet égard, le BIM Manager sert à arbitrer les discussions et va écrire des protocoles d’organisation : tel acteur fait tel action à tel moment… Il va mettre en place une « Charte BIM » pour ordonner et optimiser le travail collaboratif. Le management et la coordination sont essentiels dans sa mission.

La gestion et l’exploitation de l’information dans la maquette numérique sont très importantes dans le BIM. Le BIM Manager est le chef d’orchestre qui coordonne et sécurise cette information.

Le BIM Manager va prendre du temps avec chaque collaborateur de l’agence d’architecture pour lui expliquer le fonctionnement du logiciel et comment la personne s’insère dans les process. D’une certaine manière, il est le vecteur humain du logiciel, nécessaire dans la mesure où les professionnels n’ont pas encore pleinement acquis les méthodes de travail inhérentes au BIM.

Pour les grands projets, plusieurs BIM Managers devront intervenir de concours. Ils viendront coordonner le travail au niveau de chaque acteur de la chaîne de construction : l’architecte, le bureau d’études, l’équipe de chantier…

Quelles sont les qualités requises pour être BIM Manager ?

Il faut bien entendu avoir une bonne connaissance des logiciels et des processus BIM. Un bon relationnel est également important : le BIM Manager doit être pédagogue, savoir transmettre les process pour que ces derniers ne ralentissent pas les projets mais amènent bien au contraire davantage de rapidité, d’efficacité et de qualité dans le travail collaboratif. Le BIM Manager doit aussi avoir une bonne compétence métier et donc une grande expérience projet car une vision globale du travail des différents acteurs du bâtiment est requise.

D’autres qualités sont nécessaires :

  • être autonome et savoir travailler en équipe afin de fédérer tous les acteurs autour d’un projet BIM ;
  • être pédagogue et formateur pour pouvoir transmettre son savoir ;
  • connaître les workflows (flux de travail au sein d’une entreprise et d’un projet) ;
  • maîtriser les interopérabilités des logiciels et réaliser une veille technologique.

Il n’y a pas de formation au métier de BIM Manager, c’est une compétence qui s’acquiert « sur le tas ». Les BIM Managers se distinguent des formateurs et informaticiens car ils apportent une vision projet et métier à l’acteur du bâtiment. Ils ne se contentent pas d’expliquer le fonctionnement du logiciel, ils participent à la réalisation du projet.

Quel est l’avenir du BIM selon vous ?

Selon moi, le BIM est amené à se généraliser comme le DAO et la CAO dans les années 80. Les réactions des architectes sont variées : beaucoup sont réticents, d’autres l’acceptent comme une fatalité et d’autres encore ont choisi d’anticiper le phénomène : ils prennent alors les devants et modernisent l’intégralité du matériel de leur agence, ils s’entourent de professionnels ayant la même philosophie de travail sur le BIM.

Le BIM Manager est présent pour aider à « faire passer la pilule » mais le phénomène est incontournable de mon point de vue. La vraie difficulté réside dans le changement révolutionnaire dans les méthodes de travail. Par exemple, certaines décisions sont prises beaucoup plus tôt que dans un flux de travail classique. Le changement concerne l’organisation même des agences selon les projets et les équipes en place. Il ne s’agit pas seulement d’intégrer un nouveau logiciel ou des ordinateurs plus performants. C’est la méthodologie même de travail qui évolue !

Le BIM nous donne l’opportunité de mieux collaborer autour d’un projet commun par une communication efficace, avec la possibilité de résoudre et anticiper des problèmes collectifs, de la conception à la construction du projet.

Les documentations sont claires et cohérentes pour les mises à jour. Le tout permet davantage d’efficacité et de rapidité pour plus de temps consacré à la conception ! Cette conception optimisée donne lieu à une meilleure gestion des risques avant d’arriver sur un chantier où les modifications sont très onéreuses.