Le départ d’un architecte associé de son cabinet se traduit par la cession des actions ou parts sociales qu’il détient dans la société. Cependant, il est une difficulté pratique à laquelle tous les associés sont un jour confrontés : combien valent les actions ? En cas de désaccord portant sur le prix des actions, il est possible de désigner un expert chargé de les évaluer. Pour ce faire, on distingue deux expertises prévues par les articles 1592 et 1843-4 du Code civil. Le cabinet CEA vous éclaire quant à l’opportunité de recourir à l’une ou l’autre de ces expertises.

L’intérêt de l’évaluation

Avant de développer la différence entre ces deux procédures d’évaluation des titres de votre cabinet d’architecture, il convient de rappeler en quoi l’évaluation est indispensable.

Selon l’article 1583 du Code civil, une vente est formée lorsque les parties sont d’accord sur la chose vendue et sur le prix. Plus précisément, l’article 1163 du Code civil exige que le prix soit déterminé ou au moins déterminable. S’agissant du prix déterminé, aucune difficulté puisqu’il est dit clairement combien l’acheteur doit payer. Les difficultés portent sur la notion de prix déterminable. Pour la Cour de cassation, le prix est déterminable lorsqu’il est possible de le déterminer à tout moment sans que les parties n’interviennent. Ainsi, un prix est déterminable lorsque les parties prévoient notamment une méthode de calcul ou la désignation d’un expert chargé de le fixer. Enfin, l’article 1169 du Code civil énonce que si le prix est dérisoire comparé à la valeur réelle de la chose vendue, la vente est nulle, c’est-à-dire qu’elle n’a jamais existé aux yeux de la loi.

Bon à savoir : Pour la Cour de cassation, des actions vendues 25 % de leur valeur est un prix faible mais pas dérisoire. A contrario, un prix 50 fois inférieur à sa valeur est dérisoire et rend donc la cession nulle. Enfin, une cession à un euro symbolique n’est pas nécessairement dérisoire si la société est très endettée ou bien si l’acheteur reprend à son compte les engagements de la société (cautionnement, etc.).

La mission de l’expert

Qu’il s’agisse de l’expertise prévue par l’article 1592 ou 1843-4 du Code civil, l’expert est assimilé à un représentant des parties à la vente. Ainsi, le prix qu’il va déterminer s’impose aux architectes qui seront tenus de le respecter. En effet l’expert, aussi appelé tiers-évaluateur, n’est pas chargé de donner la valeur économique des titres de la société d’architectes mais bien d’imposer un prix de vente. Par conséquent, il n’est pas possible pour lui de donner une fourchette de prix.

Une différence fondamentale entre les deux expertises est que selon l’article 1592, l’expert n’est pas obligé de fixer le prix, notamment s’il ne peut pas ou ne veut pas. A l’inverse, une fois l’expert de l’article 1843-4 désigné il est obligé de donner un prix.

Il existe enfin quelques exceptions dans lesquelles le prix fixé par l’expert ne sera pas retenu, il s’agit des cas où l’expert outrepasse sa mission ou commet une erreur grossière. L’expert outrepasse notamment sa mission lorsqu’il ne respecte pas les consignes d’évaluation données par les parties, nous y reviendrons. Par ailleurs, l’erreur grossière s’analyse comme une erreur si importante qu’elle n’aurait pas été commise par un expert normalement vigilant.

La désignation de l’expert

Les articles 1592 et 1843-4 du Code civil énoncent que les parties sont libres de désigner le tiers en charge de déterminer le prix de leurs actions. Toutefois, une partie ne peut pas à elle seule désigner un expert, il faut que les deux soient d’accord.

La clause renvoyant à un expert doit être la plus précise et claire possible pour être efficace. Pour bien comprendre, il faut qu’à la seule lecture des indications données toute personne soit en mesure d’arriver à un prix, ce qui suppose de prévoir la procédure à suivre. Il est ainsi possible de nommer précisément un expert en particulier, de prévoir un expert suppléant ou bien que chaque partie en désigne un, lesquels seront tenus de déterminer le prix ensemble.

Enfin, pour être désigné l’expert doit évidemment accepter la mission qui lui est confiée. Aussi, la Cour de cassation exige que l’expert désigné soit indépendant afin d’être impartial dans son évaluation.

Conseils : Si l’expert refuse d’évaluer les titres et que la procédure ne prévoyait rien d’autre, la cession est nulle. Pour éviter cela, dans l’hypothèse où l’expert refuserait la mission ou ne parviendrait pas à l’accomplir, il est conseillé de prévoir qu’un juge sera chargé de désigner un autre expert. Aussi, la clause doit être précise pour être efficace, une clause selon laquelle « le prix sera déterminé par recours à un expert » n’est donc pas valable.

La différence entre les deux procédures

Pour confronter les différentes entre les deux procédures d’expertise des articles 1592 et 1843-4 du Code civil il convient d’en étudier au préalable leur régime distinctement.

  • S’agissant de l’article 1592, les parties peuvent y avoir recours dans toutes les hypothèses. Les parties peuvent prévoir la méthode de calcul du prix ou les éléments à prendre en compte, lesquels s’imposent à l’expert. A défaut d’instruction des parties, l’expert détermine librement le prix.
  • S’agissant de l’article 1843-4, le régime a considérablement évolué en 2014. Avant 2014 les parties pouvaient toujours décider d’avoir recours à cette expertise mais ne pouvaient pas imposer de directives. Désormais les parties ne peuvent y avoir recours qu’en cas de contestation du prix, c’est à dire de désaccord entre elles sur la valeur des parts de la société d’architectes, et que ce prix n’est pas déterminable autrement. Ainsi il convient de distinguer deux hypothèses : Si c’est la loi qui renvoi à cette expertise, l’expert est tenu d’appliquer les directives présentes dans les statuts. A l’inverse si les statuts renvoient à cette expertise, l’expert n’est tenu d’appliquer que les directives des parties présentes hors des statuts.

La loi fait notamment référence à la procédure de l’expertise prévue à l’article 1843-4 du Code civil aux articles L.221-12, L.222-13 et L.227-18 du Code de commerce.

Pour conclure, l’article 1592 peut toujours être utilisé là où l’article 1843-4 n’est envisageable qu’en cas de litige, dans deux cas précis. Dans les deux expertises, l’expert est obligé de respecter les instructions qui lui sont données par les parties. Sous 1592 il n’est pas obligé de fixer un prix tandis que sous 1843-4 il est contraint d’en donner un. Enfin, ceci a un impact sur la date de cession des parts de la société puisque sous 1592 la cession a lieu une fois que l’expert a fixé le prix tandis que sous 1843-4 la cession s’opère dès que l’expert a accepté sa mission.

Il est indispensable pour un architecte d’anticiper son départ du cabinet mais également les modalités de départ de ses associés. Le prix de rachat des actions est un élément essentiel dans ces modalités, il est donc recommandé de prévoir le recours à un expert afin de les évaluer pour éviter tout conflit. Notre cabinet d’experts-comptables se tient à votre disposition afin de mettre en place l’expertise la plus adaptée à vos besoins.