Le Sénat a entamé lundi dernier l’examen du projet de loi logement (dite Elan) dont l’un des objectifs est de faire passer la vente de logements sociaux en France de 8 000 à 40 000 par an. Nous avons souhaité faire le point sur cinq conséquences ce projet de loi sur la profession d’architecte.
1. Un démantèlement de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique dite MOP :
Cette loi est l’un des principaux textes qui encadre en France le droit de la construction publique et avec la loi Elan, cette dernière ne s’appliquerait ni aux ouvrages d’infrastructure situés dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme ou d’un opération d’intérêt national, ni aux ouvrages réalisés dans le cadre d’une concession d’opération d’aménagement. Par dessus tout, elle ne s’appliquerait plus non plus aux bâtiments réalisés par les bailleurs sociaux (OPH, SA HML, SA coopératives, SEM).

[encart_personnalise type= »bon-a-savoir »]Tout le logement social sortirait ainsi du cadre vertueux de la loi MOP, sans plus aucun garde-fou, au risque de reproduire, selon un article publié sur le site de l’ordre des architectes « les grandes erreurs du passé pour la qualité de l’habitat ». Avec la loi Elan, la bonne utilisation des deniers publics et l’efficacité des opérations est en jeu.[/encart_personnalise]

2. Suppression de l’obligation d’organiser un concours pour la construction des logements sociaux :
L’article 28 du projet de loi ELAN prévoit de modifier l’article 5 de la loi de 1977 pour dispenser l’ensemble des bailleurs sociaux de l’obligation d’organiser un concours.
Le concours d’architecture – obligatoire lors de grandes opérations – stimule la création et l’innovation, permet la discussion et la production d’un consensus entre les acteurs en amont du projet. Les architectes considèrent ainsi qu’en exonérer les bailleurs sociaux les priverait de la capacité à s’assurer de la qualité des constructions sans leur permettre pour autant de construire moins cher et certainement pas, de construire mieux.

3. Création par les bailleurs sociaux de filiales de prestations de services intervenant dans le champ concurrentiel.
La loi ELAN permettrait à l’ensemble des bailleurs sociaux de créer des filiales sans aucune précision concernant les règles et modalités de constitution de ces structures.
Ces filiales seraient en concurrence directe avec les prestataires de droit privé et auraient pour objet de :
– construire, acquérir vendre ou donner en location des équipements locaux d’intérêt général ou des locaux à usage commercial ou professionnel, gérer des immeubles abritant des équipements locaux d’intérêt général et des locaux à usage commercial ou professionnel.
– réaliser des prestations de service pour le compte de syndicats de copropriétaires
– réaliser pour le compte des collectivités territoriales ou leurs groupements des études d’ingénierie urbaine.
– fournir des services d’animation sociale, de veille, d’aide aux démarches et d’accompagnement aux personnes âgées ou en situation de handicap locataires ou occupants d’un logement social répondant à des besoins non ou partiellement satisfaits.

4. Prolongation jusqu’en 2021 de l’autorisation pour les bailleurs sociaux d’utiliser librement la conception réalisation.

5. un possible regroupement des bailleurs sociaux à compter du 1er janvier 2012. Le reste de cette loi traite notamment d’un assouplissement de la loi Littoral en renforçant le comblement des dents creuses. Considérée par l’ordre des architectes comme un saut cinquante ans en arrière, cette loi aux accents libéraux sonne une absence certaine d’obligation sur la qualité architecturale, urbaine ou environnementale. Avec la loi Elan, les architectes craignent que les bailleurs sociaux ne s’engouffrent dans une brèche. Nous ne manquerons pas de vous tenir au courant de l’évolution de cette loi.