Depuis peu, le juge est tenu de respecter la stipulation du contrat d’architecte prévoyant l’exclusion de sa responsabilité in solidum en cas de dommage causé par sa faute et par celle d’autres intervenants sur un chantier. L’ordre des architectes préconise logiquement l’insertion d’une telle clause dans les contrats d’architecte.

La responsabilité in solidum de l’architecte peut être écartée par contrat

 

Le 19 mars 2013, la Cour de cassation a rendu une décision bienvenue pour les architectes. Il s’agit d’un revirement de jurisprudence qui contribue à soulager quelque peu leur lourde responsabilité.

Commençons par restituer les faits de l’affaire :

Est en cause la construction d’un ensemble de villas avec piscines. Des désordres ayant été constatés sur cinq piscines, le maître de l’ouvrage assigne en responsabilité l’architecte, l’entrepreneur et le contrôleur technique. Un rapport d’expertise atteste alors que chaque protagoniste a commis une faute ayant contribué à la réalisation du dommage. Dans ce contexte, la cour d’appel condamne l’architecte à réparer l’entier dommage.

Cela peut sembler étonnant de prime abord, mais cela ressort logiquement du mécanisme de la responsabilité in solidum qui est de principe en matière de responsabilité civile : en cas de dommage causé par plusieurs fautifs, la victime peut demander réparation intégrale de son préjudice à l’un d’entre eux, à charge pour celui qui aura payé de se retourner ensuite contre les autres fautifs par le biais d’une action récursoire. Ce système permet d’éviter que la victime ne pâtisse de l’éventuelle insolvabilité de l’un des responsables. Elle a en effet la possibilité de choisir celui des fautifs qui paiera l’intégralité des dommages-intérêts.

Dans notre affaire, l’architecte avait pourtant prévu dans son contrat une clause écartant sa responsabilité in solidum. Mais la cour d’appel estime sans effet la présence d’une telle stipulation.

Intervient alors la Cour de cassation qui censure cette décision : elle retient que « le juge est tenu de respecter les stipulations contractuelles excluant les conséquences de la responsabilité solidaire ou in solidum d’un constructeur à raison des dommages imputables à d’autres intervenants ».

 

Le principe est nouveau et décharge les architectes d’une part de leur responsabilité. Il faut cependant bien en mesurer la portée :

  • L’architecte, bien entendu, reste responsable du dommage causé par sa propre faute. A cet égard, il peut néanmoins insérer dans son contrat une clause limitant le montant des dommages-intérêts qu’il pourrait devoir verser.

 

i ATTENTION :

Une telle clause limitative de responsabilité est privée d’effet dans le cas d’une faute lourde ou d’un dommage corporel. Elle encourt par ailleurs la qualification de clause abusive lorsque le cocontractant est un consommateur. Enfin, elle ne saurait porter sur l’obligation principale du contrat, à peine de nullité.

  • L’exclusion de la responsabilité in solidum de l’architecte n’est pas de droit : elle suppose donc de bien penser à insérer dans le contrat une stipulation spéciale en ce sens. L’ordre des architectes propose un modèle de clause de ce point de vue.

 

  • Enfin, cette jurisprudence ne concerne que la responsabilité contractuelle de droit commun et non la garantie décennale qui est d’ordre public et ne peut donc pas être remise en cause par convention :

 

« Toute clause d’un contrat qui a pour objet, soit d’exclure ou de limiter la responsabilité prévue aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2, soit d’exclure les garanties prévues aux articles 1792-3 et 1792-6 ou d’en limiter la portée, soit d’écarter ou de limiter la solidarité prévue à l’article 1792-4, est réputée non écrite » (article 1792-5 du Code civil).

Cette jurisprudence est l’occasion de faire le point sur les règles de responsabilité encadrant la profession d’architecte ; cet autre article s’efforce d’en ressaisir les circonvolutions alambiquées !

Remarque : dans un arrêt encore plus récent, la Cour de cassation a également rappelé que le contrat d’architecte peut comporter une clause subordonnant toute action en justice contre le maître d’œuvre à la saisine préalable du conseil de l’ordre.